Société

RSE et inclusion : les plateformes tech adaptent leurs filtres de recherche aux enjeux de diversité

L’inclusion n’est plus un simple mot-clé pour les entreprises de la tech. Dans un contexte où la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) prend une place centrale, les plateformes numériques repensent leur fonctionnement pour mieux répondre aux attentes de diversité et d’équité. Cela passe notamment par l’adaptation des filtres de recherche, souvent invisibles mais décisifs dans l’orientation des résultats. Recrutement, logement, achats en ligne, applications de rencontres : les algorithmes s’imprègnent de plus en plus de critères inclusifs pour refléter la richesse des profils et corriger les biais historiques.

Un mouvement accéléré par les attentes sociétales et légales

Les entreprises technologiques font face à une pression croissante. Les utilisateurs attendent des expériences personnalisées mais aussi plus éthiques. Les cadres réglementaires européens comme le Digital Services Act ou le RGPD imposent une plus grande transparence sur le traitement des données et les mécanismes de tri. En parallèle, les enjeux d’inclusivité prennent de l’ampleur dans les politiques internes. Dans ce climat, ignorer la diversité dans les systèmes de filtrage revient à rater une partie essentielle du marché et à s’exposer à des critiques médiatiques ou juridiques.

Repenser les filtres : un défi technologique et culturel

Les filtres de recherche sont des outils puissants, mais souvent opaques. Ils influencent ce que l’on voit, ce que l’on choisit, et parfois même ce que l’on pense être possible. Or, ces outils reposent sur des algorithmes qui peuvent reproduire les biais des données d’entraînement ou de leurs concepteurs.

Pour intégrer des valeurs inclusives, les plateformes doivent :

  • analyser les biais systémiques dans les résultats proposés (genre, couleur de peau, orientation sexuelle, handicap, etc.) ;
  • redéfinir les critères de classement pour qu’ils reflètent une diversité réelle ;
  • permettre aux utilisateurs de déclarer ou filtrer certains attributs de manière éthique et non stigmatisante ;
  • éviter les micro-discriminations dans l’interface et la logique algorithmique.

Des cas concrets dans plusieurs secteurs

La question des filtres inclusifs ne concerne pas uniquement les réseaux sociaux. Voici quelques exemples où les plateformes tech innovent :

Dans le recrutement

Des sites d’emploi comme Welcome to the Jungle ou Indeed testent des systèmes permettant aux candidats de masquer leur nom, leur genre ou leur photo. L’objectif : proposer des résultats basés sur les compétences et l’adéquation au poste plutôt que sur des critères subjectifs. D’autres plateformes vont plus loin en introduisant des options pour les entreprises affichant une politique de diversité active, rendant visibles les labels ou engagements RSE.

Dans l’immobilier

Les plateformes de location ou d’achat intègrent peu à peu des filtres sur l’accessibilité PMR (personnes à mobilité réduite), l’environnement inclusif, la mixité sociale. Cela répond à une demande forte des jeunes générations, souvent sensibles aux valeurs de justice sociale dans leur choix d’habitat.

Dans les applications de rencontre

Certaines apps comme Bumble ou OkCupid ont revu leurs options de filtrage pour inclure des identités de genre non-binaires, des orientations moins représentées, et valoriser des profils auparavant marginalisés. Ces choix contribuent à réduire la stigmatisation et à offrir une expérience plus représentative des diversités affectives et culturelles.

Dans le e-commerce

Les grandes plateformes commerciales, à l’instar d’Etsy ou Zalando, ont lancé des filtres pour rechercher des produits conçus par des entrepreneurs issus de minorités ethniques ou appartenant à des communautés LGBTQ+. Cela permet à la fois de répondre à une demande croissante et de valoriser une économie plus équitable.

Un engagement qui passe aussi par la formation des équipes tech

La conception inclusive ne peut être assurée uniquement par des outils. Elle repose sur la diversité des personnes qui créent ces outils. Les entreprises investissent donc davantage dans la formation des équipes produit et tech aux biais algorithmiques, à l’UX inclusive, à la représentation équitable dans les jeux de données.

Certaines start-up choisissent même de créer des « équipes inclusion » dédiées, chargées de valider chaque mise à jour produit sous l’angle de l’éthique, de la diversité et de la représentativité.

Des retombées positives pour les entreprises engagées

Adopter une démarche inclusive dans les filtres de recherche n’est pas uniquement une réponse à une obligation morale ou juridique. C’est aussi un levier de performance. En élargissant le spectre des résultats proposés, les plateformes augmentent la satisfaction des utilisateurs, favorisent la fidélisation et ouvrent de nouveaux marchés.

Des études récentes montrent que :

  • les entreprises qui intègrent des pratiques inclusives dans leur expérience utilisateur gagnent en engagement (+15 % en moyenne sur les plateformes B2C) ;
  • 62 % des utilisateurs se déclarent prêts à changer de service si une autre plateforme propose une interface plus respectueuse de la diversité.

Un cadre éthique encore en construction

Toutefois, tout n’est pas encore réglé. Les questions éthiques sont nombreuses :

  • Jusqu’où aller dans la personnalisation sans tomber dans une segmentation excessive ?
  • Comment s’assurer que les filtres ne deviennent pas des outils d’exclusion inversée ?
  • Quelles données peut-on réellement collecter, sans heurter le respect de la vie privée ?

Les réflexions sont en cours, notamment à travers des comités d’éthique numérique, des consultations citoyennes et le travail de régulation des autorités nationales comme la CNIL.

Conclusion

L’adaptation des filtres de recherche aux enjeux de diversité est un tournant majeur pour les plateformes technologiques. Elle nécessite une mobilisation globale : stratégique, technique, humaine et réglementaire. Dans un monde numérique où chaque clic façonne nos interactions et nos opportunités, veiller à l’inclusivité n’est plus une option, mais une responsabilité. Et c’est aussi, à long terme, une chance pour bâtir des outils numériques plus justes, plus ouverts, et plus à l’image de la société dans sa pluralité.

Auteur

alexinesimon61@gmail.com